- La phase pilote de la digitalisation des assurances automobiles a commencé depuis le 28 mars dernier. Qu’attendez-vous en tant qu’assureurs de cette migration digitale ?
Réponse :
Permettez-moi juste de rappeler que le projet de digitalisation de la souscription et de dématérialisation des attestations d’assurance automobile a été officiellement présenté aux autorités le 28 décembre 2024. Depuis cette date le déploiement et la configuration de l’environnement de production de ces attestations étaient en cours dans les compagnies d’assurance pratiquant la branche automobile. La phase pilote de cet ambitieux projet a démarré le 28 mars 2024 sous la supervision du Ministère des Finances et du Budget, et de l’organe de contrôle, la Direction des assurances. Les compagnies d’assurance qui ont terminé la phase des intégrations APIs ont même commencé la production et la distribution d’attestations digitales sur toute l’entendue du territoire.
Cette phase transitoire de trois 3 mois se poursuivra jusqu’au 30 juin 2024, date effective de la généralisation de la souscription et de la dématérialisation des attestations d’assurance automobile sur notre marché.
Durant cette phase pilote, les attestations dématérialisées sous format de QR code seront commercialisées en même temps que les attestations papiers de couleur orange
Ceci permettra à l’ensemble des parties prenantes de notre écosystème de se préparer, de s’approprier du projet et d’être prêts avant la date du 30 juin 2024.
Cette ambition qui s’inscrit parfaitement dans la volonté du Chef de l’Etat, son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar FAYE, à savoir digitaliser les services et procédures administratives, va assurer une meilleure efficience de la gestion de la branche automobile et placera, plus que jamais, le client au centre des préoccupations des compagnies d’assurance.
La migration vers le digital va certainement révolutionner l’industrie des assurances au Sénégal. Aussi, au-delà de la lutte contre la fraude, la digitalisation va aider les compagnies d’assurance et les partenaires intermédiaires d’assurance, à aller plus vite dans la commercialisation et la production d’attestation d’assurance automobile sous format de code QR, de confirmer leur crédibilité, et d’établir une relation de confiance entre assureurs et assurés.
Cette migration facilitera, sans nul, doute la disponibilité des informations, des statistiques sur l’assurance des véhicules terrestres à moteur et évitera la distribution de fausses attestations.
Avec ce changement, l’usager sans se déplacer, pourra souscrire son contrat d’assurance automobile en temps réel. A partir de son smartphone par exemple, il disposera de son attestation via sms, mail ou par WhatsApp avec une possibilité de l’imprimer. Pour les usagers qui n’ont pas de smartphone ou d’internet chez eux ils pourront toujours se rendre en agence pour obtenir leur attestation digitale sous format papier avec un QR Code.
Sur le volet contrôle également, ce changement permettra aux Forces de Défense et de Sécurité d’accéder à des données plus avancées pour vérifier la satisfaction à l’obligation d’assurance automobile des conducteurs de véhicules terrestres à moteurs. Lors d’un contrôle routier, l’agent des Forces de Défense et de Sécurité n’aura qu’à interroger son appareil PDA ou terminal en scannant le QR code pour attester de l’authenticité du document ou procéder à la vérification à travers un code USSD ou encore passer par l’immatriculation du véhicule. Cette architecture est prévue dans le but d’optimiser leur travail en simplifiant et en accélérant les tâches à effectuer et renforce le dispositif de la digitalisation des amendes forfaitaires lancé par le Trésor Public. Il convient de noter que cette migration, en plus de la célérité dans la gestion, vise à faciliter la prise en charge rapide des victimes d’accidents de la circulation par la disponibilité de l’information.
- Quelles sont les parties prenantes à cette réforme ?
Réponse :
Au premier rang, nous avons l’Etat du Sénégal à travers le Ministère des Finances et du Budget, la Direction des Assurances en tant qu’organe de tutelle et de contrôle des assurances.
Il ya également tous les autres acteurs de l’écosystème qui interviennent, soit directement ou indirectement dans l’activité de l’assurance automobile. Je voudrai citer par-là :
- Les sociétés d’assurance membres de notre Association,
- La Direction Générale des Transports Terrestres,
- Les Forces de Défenses et de Sécurité (la police et la Gendarmerie)
- Les courtiers et autres intermédiaires d’assurance,
- Le Fonds de Garantie Automobile
- Les experts automobiles
- Les associations de consommateurs,
- Pourquoi les véhicules de transport public de voyageurs ne sont pas concernés par la digitalisation ?
Réponse :
La gestion des attestations pour l’assurance des véhicules de transports publics de voyageurs a été confiée à un Pool de coassurance des risques TPV qui est une Association créée le 27/07/1998 par les pouvoirs publics et les professionnels de l’assurance au Sénégal. En raison des difficultés relevées sur la distribution des attestations relevant de cette catégorie de véhicule et les nombreux cas de fraude et de non assurance, les compagnies d’assurance membres pratiquant la branche relevant de la responsabilité civile automobile avaient décidé, au sein du Pool, de centraliser les procédures de gestion des commandes d’attestations d’assurances ainsi que leur livraison aux compagnies membres, de changer les couleurs des talons d’assurance en bleu pour éviter l’amalgame que favorisait l’uniformité de ce document. Cet assainissement était nécessaire avant de se lancer dans la digitalisation de la souscription et la dématérialisation des attestations d’assurance TPV. La prise en compte des véhicules TPV dans le processus est en phase d’étude.
- La lutte contre la fraude est l’une des préoccupations justifiant la digitalisation. Quelle est l’ampleur de la fraude aux assurances dans le secteur ?
Réponse :
La fraude, par définition, est toujours difficilement quantifiable. Il faut noter que l’assurance automobile n’est pas la seule impactée. Il en va de même pour la plupart des branches, notamment la maladie. Pour l’essentiel, la fraude en assurance automobile ne se situe pas au niveau des indemnités que les compagnies d’assurances règlent mais plutôt de certaines pratiques, telle que la souscription d’un contrat après la survenance d’un accident.
Aussi, pour réduire fortement les cas de fraude, à défaut de les éliminer complètement, les compagnies d’assurances devront mettre l’accent sur la gestion rigoureuse de leurs souscriptions et une bonne maîtrise de leur réseau de distribution. La fraude est donc l’un des premiers maux de la branche automobile qui en 2022, a enregistré pour la première fois une baisse de son chiffre d’affaires. Cette branche qui était toujours leader se place derrière la maladie avec des parts respectives de 25% et de 27% sur l’ensemble du chiffre d’affaires de l’assurance dommage. Or, l’évolution de la branche automobile est tributaire du parc automobile qui, au cours de ces dernières années, a connu une augmentation considérable. Selon nos investigations, le nombre de véhicules au Sénégal pourrait être estimé à 934 000 véhicules dont 651 000 en circulation. Cette baisse du chiffre d’affaires est certainement due aux taux élevés de la non-assurance, la sous tarification, la distribution de fausses attestations d’assurance etc.
Cette fraude empêche non seulement aux assureurs du marché d’avoir les informations rapides pour instruire et payer les sinistres dans les délais mais entraine également une perte énorme pour l’Etat au niveau des impôts et taxes. La digitalisation pourrait être une solution face à ce fléau.
Le Marché frère de la Cote d’Ivoire qui a démarré le processus depuis l’année dernière a connu sur la branche automobile une augmentation de chiffre d’affaires de 65%.
- Comment la digitalisation aide-elle à faciliter le règlement des sinistres ?
Réponse :
Avec la digitalisation, la cadence de règlement des sinistres sera accélérée du fait notamment de la disponibilité, la fiabilité des données. Les compagnies d’assurance ont besoin d’informations concernant notamment l’assuré, les circonstances de survenance de l’accident, la nature de l’accident, la date et le lieu de sa survenance. Certaines informations relatives à la satisfaction de l’obligation d’assurance doivent figurer sur l’attestation qui n’est qu’une présomption d’assurance au regard du code des assurances CIMA. Si ces informations ne sont pas disponibles, les assureurs seront obligés de les demander aux assurés pour poursuivre l’instruction du dossier sinistre. Avec la digitalisation, les informations devant figurer sur l’attestation d’assurance seront reçues à temps réel par les compagnies ce qui facilitera le traitement rapide des dossiers sinistres.
- Presque un mois après le lancement, quels sont les premiers retours que vous avez obtenus ?
Réponse :
Dieu merci. Nous notons un retour satisfaisant et un certain engouement de la part des acteurs comme des assurés depuis le démarrage de la phase pilote. Certains clients commencent à recevoir leurs attestations d’assurance sous format de QR Code au moment de leur première souscription ou du renouvellement de leur contrat.
C’est vrai que nous sommes encore en phase pilote et il est prématuré de faire un bilan. Nous avons défini une période de tolérance en admettant la cohabitation des attestations en version papier avec celles digitales jusqu’au 30 juin 2024 date de la généralisation effective de la digitalisation de la souscription et la dématérialisation des attestations d’assurance comme annoncé plus haut. A partir de cette date, nous pourrons vous fournir plus d’informations qui vous permettront d’apprécier l’évolution de ce processus de digitalisation
Samboudian KAMARA
Journaliste – Le Soleil
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